Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
426
CORINNE OU L’ITALIE.

vrit par degrés tout ce qui concernait Corinne et ses relations avec lord Nelvil.

Le comte d’Erfeuil qui passa près d’une année en Écosse, et vit souvent Lucile et sa mère, était fortement persuadé qu’il n’avait pas révélé le secret du voyage de Corinne en Angleterre, mais il dit tant de choses qui en approchaient, il lui était si difficile, quand la conversation languissait, de ne pas ramener le sujet qui intéressait si vivement Lucile, qu’elle parvint à tout savoir. Tout innocente qu’elle était, elle avait encore assez d’art pour faire parler le comte d’Erfeuil, tant il en fallait peu pour cela.

Lady Edgermond, que sa maladie occupait chaque jour davantage, ne s’était pas doutée du travail que faisait sa fille pour apprendre ce qui devait lui causer tant de douleurs ; mais quand elle la vit si triste, elle obtint d’elle la confidence de ses chagrins. Lady Edgermond s’exprima très-sévèrement sur le voyage de Corinne en Angleterre. Lucile en recevait une autre impression : elle était tour à tour jalouse de Corinne et mécontente d’Oswald, qui avait pu se montrer si cruel envers une femme dont il était tant aimé ; et il lui semblait qu’elle devait craindre, pour son propre bonheur, un homme qui avait ainsi sacrifié le bonheur d’une autre.