Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/448

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
444
CORINNE OU L’ITALIE.

une marche lente, que la rigueur du temps aurait hâtée, si la pensée de la mort n’eût pas imprimé sa gravité à tous leurs pas. Le deuil de la nature et de l’homme, de la végétation et de la vie ; ces deux couleurs, ce blanc et ce noir, qui seules frappaient les regards et se faisaient ressortir l’une par l’autre, remplissaient l’ame d’effroi. Lucile dit à voix basse : — Quel triste présage ! — Lucile, interrompit Oswald, croyez-moi, il n’est pas pour vous. — Hélas ! pensa-t-il en lui-même, ce n’est pas sous de tels auspices que je fis avec Corinne le voyage d’Italie ; qu’est-elle devenue maintenant ? Et tous ces objets lugubres qui m’environnent m’annoncent-ils ce que je vais souffrir ? —

Lucile était ébranlée par les inquiétudes que lui causait le voyage. Oswald ne pensait pas à ce genre de terreur très-étranger à un homme, et surtout à un caractère aussi intrépide que le sien. Lucile prenait pour de l’indifférence ce qui venait uniquement de ce qu’il ne soupçonnait pas dans cette occasion la possibilité de la crainte. Cependant tout se réunissait pour accroître les anxiétés de Lucile : les hommes du peuple trouvent une sorte de satisfaction à grossir le danger, c’est leur genre d’imagination ; ils se plaisent dans l’effet qu’ils produisent ainsi sur les