Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/457

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
453
CORINNE OU L’ITALIE.

servait cependant de ces sons harmonieux qui ont tant de charmes dans l’italien ; il déclamait avec une force qui faisait encore mieux remarquer l’insignifiance de ce qu’il disait. Rien ne pouvait être plus pénible pour Oswald que d’entendre ainsi pour la première fois, après un long intervalle, une langue chérie ; de revoir ainsi ses souvenirs travestis, et de sentir une impression de tristesse renouvelée par un objet ridicule. Lucile s’aperçut de la cruelle situation de l’ame d’Oswald, elle voulait faire finir l’improvisateur ; mais il était impossible d’en être écouté, il se promenait dans la chambre à grands pas ; il faisait des exclamations et des gestes continuels, et ne s’embarrassait pas du tout de l’ennui qu’il causait à ses auditeurs. Son mouvement était comme celui d’une machine montée, qui ne s’arrête qu’après un temps marqué ; enfin ce temps arriva, et lady Nelvil parvint à le congédier.

Quand il fut sorti, Oswald dit : — Le langage poétique est si facile à parodier en Italie, qu’on devrait l’interdire à tous ceux qui ne sont pas dignes de le parler. — Il est vrai, reprit Lucile, peut-être un peu trop sèchement ; il est vrai qu’il doit être désagréable de se rappeler ce qu’on admire par ce que nous venons d’enten-