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CORINNE OU L’ITALIE.

comme d’une calamité publique. En voyageant avec Lucile, Oswald avait pour l’Italie une sorte de coquetterie qui n’était pas satisfaite ; l’hiver déplaît là plus que partout ailleurs, parce que l’imagination n’y est point préparée. Lord et lady Nelvil traversèrent Plaisance, Parme, Modène. Les églises et les palais en sont trop vastes à proportion du nombre et de la richesse des habitans. On dirait que ces villes sont arrangées pour recevoir de grands seigneurs qui doivent arriver, mais qui se sont fait précéder seulement par quelques hommes de leur suite.

Le matin du jour où Lucile et lord Nelvil se proposaient de traverser le Taro, comme si tout devait contribuer à leur rendre cette fois le voyage d’Italie lugubre, le fleuve s’était débordé la nuit précédente ; et l’inondation de ces fleuves qui descendent des Alpes et des Apennins est très-effrayante. On les entend gronder de loin comme le tonnerre ; et leur course est si rapide, que les flots et le bruit qui les annoncent arrivent presque en même temps. Un pont sur de telles rivières n’est guères possible, parce qu’elles changent de lit sans cesse et s’élèvent bien au-dessus du niveau de la plaine. Oswald et Lucile se trouvèrent tout à coup arrêtés au bord de ce fleuve ; les bateaux avaient été emportés par le