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CORINNE OU L’ITALIE.

moi qu’un tel caractère : chez nous les trésors de l’ame ne sont pas facilement exposés aux regards, et nous avons pris l’habitude de douter de tout ce qui se montre ; mais cette bonté expansive, que je trouvais dans mon ami, me donnait des jouissances tout à la fois faciles et sûres : et je n’avais pas un doute sur ses qualités, bien qu’elles se fissent toutes voir dès le premier instant. Je n’éprouvais aucune timidité dans mes rapports avec lui, et, ce qui valait mieux encore, il me mettait à l’aise avec moi-même. Tel était l’aimable Français pour qui j’ai senti cette amitié parfaite, cette fraternité de compagnon d’armes, dont on n’est capable que dans la jeunesse avant qu’on ait connu le sentiment de la rivalité, avant que les carrières irrévocablement tracées, sillonnent et partagent le champ de l’avenir.

Un jour le comte Raimond me dit : — Ma sœur est veuve, j’en suis charmé ; je n’aimais pas son mariage ; elle avait accepté la main du vieillard qui vient de mourir, dans un moment où nous n’avions de fortune ni l’un ni l’autre ; car la mienne vient d’un héritage qui m’est arrivé nouvellement : mais, néanmoins, je m’étais opposé dans le temps à cette union autant que je l’avais pu ; je n’aime pas qu’on fasse rien