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CORINNE OU L’ITALIE.

entendre, et leur volonté sans force porte un caractère touchant et sacré.

Je me retrouvai au milieu des habitudes et des liens de la patrie ; je rencontrai votre sœur, que mon père m’avait destinée, et qui convenait si bien au besoin du repos, au projet d’une vie régulière. J’ai dans le caractère une sorte de faiblesse qui me fait redouter ce qui agite l’existence. Mon esprit est séduit par des espérances nouvelles, mais j’ai tant éprouvé de peines, que mon ame malade craint tout ce qui l’expose à des émotions trop fortes, à des résolutions pour lesquelles il faut heurter mes souvenirs et les affections nées avec moi. Cependant, Corinne, si je vous avais sue en Angleterre, jamais je n’aurais pu me détacher de vous. Cette admirable preuve de tendresse eût entraîné mon cœur incertain. Ah ! pourquoi dire ce que j’aurais fait ! Serions-nous heureux ? Suis-je capable de l’être ? Incertain comme je le suis, pouvais-je choisir un sort, quelque beau qu’il fut, sans en regretter un autre ?

Quand vous me rendîtes ma liberté, je fus irrité contre vous. Je rentrai dans les idées que le commun des hommes doit prendre en vous voyant. Je me dis qu’une personne aussi