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CORINNE OU L’ITALIE.

par la main, elle dit à son époux en anglais : — C’est trop, mylord, de vouloir aussi détourner de moi l’affection de ma fille ; cette consolation m’était due dans mon malheur. — En achevant ces mots, elle emmena Juliette. Lord Nelvil voulut en vain la suivre, elle s’y refusa ; et seulement, à l’heure du dîné, il apprit qu’elle était sortie pendant plusieurs heures, seule, et sans dire où elle allait. Il s’inquiétait mortellement de son absence, lorsqu’il la vit revenir avec une expression de douceur et de calme dans la physionomie, tout-à-fait différente de ce qu’il attendait. Il voulut enfin lui parler avec confiance, et tâcher d’obtenir d’elle son pardon par la sincérité ; mais elle lui dit : — Souffrez, mylord, que cette explication, nécessaire à tous les deux, soit encore retardée. Vous saurez dans peu les motifs de ma prière. —

Pendant le dîné, elle mit dans la conversation beaucoup plus d’intérêt que de coutume : plusieurs jours se passèrent ainsi, durant lesquels Lucile se montrait constamment plus aimable et plus animée qu’à l’ordinaire. Lord Nelvil ne pouvait rien concevoir à ce changement. Voici quelle en était la cause. Lucile avait été très-blessée des visites de sa fille chez Corinne, et de l’intérêt que lord Nelvil paraissait prendre aux progrès que