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CORINNE OU L’ITALIE.

bien serait agréable une personne qui, avec la conduite la plus régulière et la moralité la plus rigide, aurait cependant tout le charme, tout l’abandon, tout le désir de plaire qu’inspire quelquefois le besoin de réparer des torts.

— On a vu, dit Corinne à Lucile, des femmes aimées non-seulement malgré leurs erreurs, mais à cause de ces erreurs mêmes. La raison de cette bizarrerie est peut-être que ces femmes cherchaient à se montrer plus aimables pour se les faire pardonner, et n’imposaient point de gêne parce qu’elles avaient besoin d’indulgence. Ne soyez donc pas, Lucile, fière de votre perfection ; que votre charme consiste à l’oublier, à ne vous en point prévaloir. Il faut que vous soyez vous et moi tout à la fois ; que vos vertus ne vous autorisent jamais à la plus légère négligence pour vos agrémens, et que vous ne vous fassiez point un titre de ces vertus pour vous permettre l’orgueil et la froideur. Si cet orgueil n’était pas fondé il blesserait peut-être moins ; car user de ses droits refroidit le cœur plus que les prétentions injustes : le sentiment se plaît surtout à donner ce qui n’est pas dû. — Lucile remerciait sa sœur avec tendresse de la bonté qu’elle lui témoignait, et Corinne lui disait : — Si je devais vivre, je n’en serais pas