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CORINNE OU L’ITALIE.

quelquefois qu’il y avait un peu d’art dans son langage, qu’elle parlait trop bien et d’une voix trop douce, que ses phrases étaient trop soigneusement rédigées ; mais sa ressemblance avec son frère, le plus sincère de tous les hommes, éloignait de mon esprit ces doutes, et contribuait à m’inspirer de l’attrait pour elle.

Un jour je disais au comte Raimond l’effet que produisait sur moi cette ressemblance, il m’en remercia ; mais après un instant de réflexion il me dit : — Ma sœur et moi cependant nous n’avons pas de rapport dans le caractère. — Il se tut après ces mots ; mais en me les rappelant, ainsi que beaucoup d’autres circonstances, j’ai été convaincu, dans la suite, qu’il ne désirait pas que j’épousasse sa sœur. Je ne puis douter qu’elle n’en eût l’intention dès lors, quoique cette intention ne fût pas aussi prononcée que dans la suite ; nous passions notre vie ensemble, et les jours s’écoulaient avec elle, souvent agréablement, toujours sans peine. J’ai réfléchi depuis qu’elle était habituellement de mon avis ; quand je commençais une phrase, elle la finissait, ou prévoyant d’avance celle que j’allais dire, elle se hâtait de s’y conformer ; et cependant, malgré cette douceur parfaite dans les formes, elle exerçait un