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CORINNE OU L’ITALIE.

détourner d’elle, l’imagination dès son premier élan dépasse les bornes de la vie, et le sublime en tout genre est un reflet de la divinité.

Ah ! si je n’avais aimé qu’elle, si j’avais placé ma tête dans le ciel à l’abri des affections orageuses, je ne serais pas brisée avant le temps ; des fantômes n’auraient pas pris la place de mes brillantes chimères. Malheureuse ! mon génie, s’il subsiste encore, se fait sentir seulement par la force de ma douleur ; c’est sous les traits d’une puissance ennemie qu’on peut encore le reconnaître.

Adieu donc, mon pays, adieu donc, la contrée où je reçus le jour. Souvenirs de l’enfance, adieu. Qu’avez-vous à faire avec la mort ? Vous qui dans mes écrits avez trouvé des sentimens qui répondaient à votre ame, oh ! mes amis, dans quelque lieu que vous soyez, adieu. Ce n’est point pour une indigne cause que Corinne a tant souffert. Elle n’a pas du moins perdu ses droits à la pitié.

Belle Italie ! c’est en vain que vous me promettez tous vos charmes, que pourriez-vous pour un cœur délaissé ? Ranimeriez-vous mes souhaits pour accroître mes peines ? me rappelleriez-vous le bonheur pour me révolter contre mon sort ?