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CORINNE OU L’ITALIE.

quelques mots pour m’engager à retarder mon départ, à écrire à mon père que j’étais malade ; enfin à louvoyer avec sa volonté. Je me souviens que ce fut le terme dont elle se servit ; j’allais répondre, et j’aurais dit ce qui était vrai, c’est que mon départ était résolu pour le lendemain, lorsque le comte Raimond entra, et sachant ce dont il s’agissait, déclara le plus nettement du monde que je devais obéir à mon père, et qu’il n’y avait pas à hésiter. Je fus étonné de cette décision si rapide ; je m’attendais à être sollicité, retenu ; je voulais résister à mes propres regrets ; mais je ne croyais pas que l’on me rendît le triomphe si facile, et, pour un moment, je méconnus le sentiment de mon ami ; il s’en aperçut, me prit la main, et me dit : — Dans trois mois je serai en Angleterre, pourquoi donc vous retiendrais-je en France ? J’ai mes raisons pour n’en rien faire, ajouta-t-il à demi-voix. — Mais sa sœur l’entendit, et se hâta de dire qu’il était sage, en effet, d’éviter les dangers que pouvait courir un Anglais en France, au milieu de la révolution. Je suis bien, sûr à présent que ce n’était pas à cela que le comte Raimond faisait allusion ; mais il ne contredit ni ne confirma l’explication de sa sœur.