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CORINNE OU L’ITALIE.

mon père de Douvres lui arriva avant la première. Il sut ainsi mon départ sans en connaître les motifs, et, quand l’explication lui arriva, il avait pris sur ce voyage une inquiétude qui ne se dissipa point.

J’arrivai à Paris en trois jours ; j’y appris que madame d’Arbigny s’était retirée dans une ville de province à soixante lieues, et je continuai ma route pour aller l’y rejoindre. Nous éprouvâmes l’un et l’autre une profonde émotion en nous revoyant : elle était dans son malheur beaucoup plus aimable qu’auparavant, parce qu’il y avait dans ses manières moins d’art et de contrainte. Nous pleurâmes ensemble son noble frère, et les désastres publics ! Je m’informai avec anxiété de sa fortune : elle me dit qu’elle n’en avait aucune nouvelle ; mais, peu de jours après, j’appris que le banquier, auquel le comte Raimond l’avait confiée, la lui avait rendue ; et ce qui est singulier, je l’appris par un négociant de la ville où nous étions, qui me le dit par hasard, et m’assura que madame d’Arbigny n’avait jamais dû en être véritablement inquiète. Je n’y compris rien, et j’allai chez madame d’Arbigny pour lui demander ce que cela signifiait. Je trouvai chez elle un de ses parens, M. de Maltigues, qui me dit, avec