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CORINNE OU L’ITALIE.

mement. Je lui avais formellement déclaré que je ne me marierais point sans le consentement de mon père ; mais je ne pouvais m’empêcher de lui exprimer les transports que sa figure séduisante excitait en moi ; et comme il entrait dans ses projets de me captiver à tout prix, je crus entrevoir qu’elle n’était pas invariablement résolue à repousser mes désirs ; et maintenant que je me retrace ce qui s’est passé entre nous, il me semble qu’elle hésitait par des motifs étrangers à l’amour, et que ses combats apparens étaient des délibérations secrètes. Je me trouvais seul avec elle tout le jour, et, malgré les résolutions que la délicatesse m’inspirait, je ne pus résister à mon entraînement, et madame d’Arbigny m’imposa tous les devoirs en m’accordant tous les droits. Elle me montra plus de douleur et de remords que peut-être elle n’en avait réellement, et me lia fortement à son sort par son repentir même. Je voulais la mener en Angleterre avec moi, la faire connaître à mon père, et le conjurer de consentir à mon union avec elle ; mais elle se refusait à quitter la France sans que je fusse son époux. Peut-être avait-elle raison en cela ; mais sachant bien de tout temps que je ne pouvais me résoudre à l’épouser sans l’aveu de mon père,