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CORINNE OU L’ITALIE.

lisée sur le danger prochain de mon départ ; mais elle recommença bientôt après à se plaindre et à se montrer tour à tour blessée et malheureuse, de ce que je ne surmontais pas toutes les difficultés pour l’épouser. J’aurais fini par céder à sa volonté ; j’étais tombé dans la mélancolie la plus profonde ; je passais des jours entiers chez moi, sans pouvoir en sortir ; j’étais en proie à une idée que je ne m’avouais jamais et qui me persécutait toujours. J’avais un pressentiment de la maladie de mon père, et je ne voulais pas croire à mon pressentiment, que je prenais pour une faiblesse. Par une bizarrerie, résultat de l’effroi que me causait la douleur de madame d’Arbigny, je combattais mon devoir comme une passion, et ce qu’on aurait pu croire une passion me tourmentait comme un devoir. Madame d’Arbigny m’écrivait sans cesse pour m’engager à venir chez elle ; j’y venais, et quand je la voyais, je ne lui parlais pas de son état, parce que je n’aimais pas à rappeler ce qui lui donnait des droits sur moi ; il me semble à présent qu’elle aussi m’en parlait moins qu’elle n’aurait dû le faire ; mais je souffrais trop alors pour rien remarquer.

Enfin, une fois que j’étais resté trois jours chez moi, dévoré de remords, écrivant vingt