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CORINNE OU L’ITALIE.

entraîné. Je vous respecte autant que je vous aime : jugez-vous dans mon cœur, prenez-le pour votre conscience. La douleur vous égare : croyez celle qui vous chérit. Ah ! l’amour, tel que je le sens, n’est point une illusion, c’est parce que vous êtes le meilleur, le plus sensible des hommes, que je vous admire et vous adore. — Corinne, lui dit Oswald, cet hommage ne m’est pas dû ; mais il se peut cependant que je ne sois pas si coupable : mon père m’a pardonné avant de mourir ; j’ai trouvé dans un dernier écrit de lui, qui m’était adressé, de douces paroles ; une lettre de moi lui était parvenue, qui m’avait un peu justifié ; mais le mal était fait, et la douleur qui venait de moi avait déchiré son cœur.

Quand je rentrai dans son château, quand ses vieux serviteurs m’entourèrent, je repoussai leurs consolations, je m’accusai devant eux, j’allai me prosterner sur sa tombe, j’y jurai, comme si le temps de réparer existait encore pour moi, que jamais je ne me marierais sans le consentement de mon père. Hélas ! que promettais-je à celui qui n’était plus ! Que signifiaient alors ces paroles de mon délire ! Je dois les considérer au moins comme un engagement de ne rien faire qu’il eût désapprouvé pendant