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D’UNE FEMME SENSIBLE.

premier mouvement fut de le suivre et de le forcer à m’écouter. C’en était trop, je le sens à présent ; mais il est si difficile de garder de justes mesures dans ces vives émotions de l’âme ! Je le rejoignis à temps, et le retenant avec cette force que donne la douleur, je le conjurai de revenir sur ses pas. Il s’arrêta, mais il restait immobile : plus je parlais, moins il paraissait m’entendre. Enfin, quoi que je pusse dire, il s’éloigna, ou plutôt il se mit à fuir de nouveau ; et moi… moi… Que ce que l’amour nous fait faire nous avilirait souvent, si la source n’en était pas si sacrée ! moi, naguère si fière, si respectée, si obéie, je ne sus que m’écrier, en étendant vers lui mes mains suppliantes : « Alfred ! Alfred ! je suis malheureuse ! soyez au moins mon ami, mon généreux défenseur ! »

Ô charme du sentiment ! ô pouvoir d’une douce et affectueuse parole ! À peine il m’eut entendue, il revint sur ses pas ; il me considéra un instant ; et se mettant à mes genoux, il me dit d’une voix altérée qui retentit encore à mon oreille : « Ordonnez ; je vous avais consacré mon âme, ma vie ; qu’est-ce