Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/32

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heures, les délicieux badauds que l’Europe nous envie. Tout à coup quelqu’un me frappa sur l’épaule et dit d’une voix haletante : « Vous avez le prix !… » Que l’on me croie ou non, je puis néanmoins affirmer que toute ma joie tomba ! Je vis nettement les ennuis, les tracas qu’apporte fatalement le moindre titre officiel. Au surplus, je sentis que je n’étais plus libre.

Ces impressions disparurent dans la suite ; on ne résiste pas tout d’abord à cette petite fumée de gloire qu’est provisoirement le prix de Rome ; quand j’arrivai à la Villa Médicis, en 1885, je n’étais pas loin de me croire le petit chéri des dieux dont parlent les légendes antiques.

M. Cabat, paysagiste de valeur autant qu’homme du monde strictement distingué, était directeur de l’Académie de France à Rome à cette époque. Il ne s’occupait jamais des pensionnaires que d’une façon administrative. Il était charmant. Peu de temps après, M. E. Hébert le remplaçait. Une récente conversation nous a appris que ce peintre éminent est resté « romain » jusqu’au bout des ongles. Son intolérance pour tout ce qui regardait Rome et la Villa Médicis est d’ailleurs restée proverbiale… Il n’admettait aucune critique touchant ces deux choses ; je me rappelle encore que m’étant plaint d’habiter une chambre dont les murs peints en vert semblaient reculer à mesure que l’on avançait — elle est bien