Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/74

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On peut entrevoir un orchestre nombreux s’augmentant encore du concours de la voix humaine (pas l’orphéon !… je vous remercie). Par cela même, la possibilité d’une musique construite spécialement pour « le plein air », toute en grandes lignes, en hardiesses vocales et instrumentales qui joueraient et planeraient sur la cime des arbres dans la lumière de l’air libre. Telle succession harmonique paraissant anormale dans le renfermé d’une salle de concert y prendrait certainement sa juste valeur. Peut-être trouverait-on le moyen de se libérer des petites manies de forme, de tonalités arbitrairement précises qui encombrent si maladroitement la musique.

Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas de travailler dans « le gros », mais dans « le grand » ; il ne s’agit pas non plus d’ennuyer les échos à répéter d’excessives sonneries, mais d’en profiter pour prolonger le rêve harmonique dans l’âme de la foule. La collaboration mystérieuse des courbes de l’air, du mouvement des feuilles et du parfum des fleurs s’accomplirait, la musique pouvant réunir tous ces éléments dans une entente si parfaitement naturelle qu’elle semblerait participer de chacun d’eux… Et les bons arbres tranquilles ne manqueraient pas à figurer les tuyaux d’un orgue universel, ni à prêter l’appui de leurs branches à des grappes d’enfants auxquels on apprendrait les jolies rondes de jadis, si mal remplacées depuis par les ineptes refrains qui