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MOLL FLANDERS

Ma chère et fidèle amie, la femme du capitaine, m’était fermement attachée, et sachant ma condition, elle me fit fréquemment des cadeaux selon que de l’argent lui venait dans les mains, et tels qu’ils représentaient un entretien complet ; si bien que je ne dépensai pas de mon argent. Enfin elle me mit un projet dans la tête et me dit que si je voulais me laisser gouverner par elle, j’obtiendrais certainement un mari riche sans lui laisser lieu de me reprocher mon manque de fortune ; je lui dis que je m’abandonnais entièrement à sa direction, et que je n’aurais ni langue pour parler, ni pieds pour marcher en cette affaire, qu’elle ne m’eût instruite, persuadée que j’étais qu’elle me tirerait de toute difficulté où elle m’entraînerait, ce qu’elle promit.

Le premier pas qu’elle me fit faire fut de lui donner le nom de cousine et d’aller dans la maison d’une de ses parentes à la campagne, qu’elle m’indiqua, et où elle amena son mari pour me rendre visite, où, m’appelant « sa chère cousine », elle arrangea les choses de telle sorte qu’elle et son mari tout ensemble m’invitèrent très passionnément à venir en ville demeurer avec eux, car ils vivaient maintenant en un autre endroit qu’auparavant. En second lieu elle dit à son mari que j’avais au moins 1 500 £ de fortune et que j’étais assurée d’en avoir bien davantage.

Il suffisait d’en dire autant à son mari ; je n’avais point à agir sur ma part, mais à me tenir coite, et attendre l’événement, car soudain le bruit courut dans tout le voisinage que la jeune veuve chez le capitaine était une fortune, qu’elle avait au moins 1 500 £ et peut-être bien davantage, et que c’était le capitaine qui le disait ; et si