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MOLL FLANDERS

tournèrent à mal, et, ce qu’il y eut de pire, mon mari s’altéra étrangement, devint capricieux, jaloux et déplaisant, et j’étais autant impatiente de supporter sa conduite qu’elle était déraisonnable et injuste. Les choses allèrent si loin et nous en vînmes enfin à être en si mauvais termes l’un avec l’autre que je réclamai l’exécution d’une promesse qu’il m’avait faite volontairement quand j’avais consenti à quitter avec lui l’Angleterre ; c’était que si je ne me plaisais pas à vivre là-bas, je retournerais en Angleterre au moment qu’il me conviendrait, lui ayant donné avis un an à l’avance pour régler ses affaires.

Je dis que je réclamais de lui l’exécution de cette promesse, et je dois avouer que je ne le fis pas dans les termes les plus obligeants qui se pussent imaginer ; mais je lui déclarai qu’il me traitait fort mal, que j’étais loin de mes amis, sans moyen de me faire rendre justice, et qu’il était jaloux sans cause, ma conduite ayant été exempte de blâme sans qu’il pût y trouver prétexte, et que notre départ pour l’Angleterre lui en ôterait toute occasion.

J’y insistai si absolument qu’il ne put éviter d’en venir au point ou de me tenir sa parole ou d’y manquer ; et cela malgré qu’il usa de toute la subtilité dont il fut maître, et employa sa mère et d’autres agents pour prévaloir sur moi et me faire changer mes résolutions ; mais en vérité le fond de la chose gisait dans mon cœur, et c’est ce qui rendait toutes ses tentatives vaines, car mon cœur lui était aliéné. J’étais dégoûtée à la pensée d’entrer dans le même lit que lui et j’employais mille prétextes d’indisposition et d’humeur pour l’empêcher de me tou-