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MOLL FLANDERS

lérat, de m’assassiner ; je confesse qu’en même temps j’avais le cœur serré à la pensée qu’il avait de me mettre dans une maison de fous, ce qui aurait détruit toute possibilité de faire paraître la vérité ; car alors personne n’eût plus ajouté foi à une seule de mes paroles.

Ceci m’amena donc à une résolution, quoi qu’il pût advenir, d’exposer entièrement mon cas ; mais de quelle façon m’y prendre, et à qui, était une difficulté inextricable ; lorsque survint une autre querelle avec mon mari, qui s’éleva à une extrémité telle que je fus poussée presque à tout lui dire en face ; mais bien qu’en réservant assez pour ne pas en venir aux détails, j’en dis suffisamment pour le jeter dans une extraordinaire confusion, et enfin j’éclatai et je dis toute l’histoire.

Il commença par une expostulation calme sur l’entêtement que je mettais à vouloir partir pour l’Angleterre. Je défendis ma résolution et une parole dure en amenant une autre, comme il arrive d’ordinaire dans toute querelle de famille, il me dit que je ne le traitais pas comme s’il fût mon mari et que je ne parlais pas de mes enfants comme si je fusse une mère ; qu’en somme je ne méritais pas d’être traitée en femme ; qu’il avait employé avec moi tous les moyens les plus doux ; qu’il m’avait opposé toute la tendresse et le calme dignes d’un mari ou d’un chrétien, et que je lui en avais fait un si vil retour, que je le traitais plutôt en chien qu’en homme, plutôt comme l’étranger le plus méprisable que comme un mari ; qu’il avait une extrême aversion à user avec moi de violence, mais qu’en somme il en voyait aujourd’hui la nécessité et que dans l’avenir il serait forcé de prendre telles mesures qui me réduiraient à mon devoir.