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MOLL FLANDERS

société, je veux dire une société délicate et joyeuse ; mais je découvris avec découragement que cette façon de vivre me ferait rapidement sombrer, et que n’ayant point de revenu fixe, en dépensant sur le capital, je ne faisais que m’assurer de saigner à mort et ceci me donna beaucoup de tristes réflexions. Toutefois je les secouai, et me flattai encore de l’espoir qu’une chose ou une autre se présenterait à mon avantage.

Mais je n’étais point dans le lieu qu’il fallait ; je n’étais plus à Redriff, où, si je me fusse convenablement établie, quelque honnête capitaine marin ou autre eût pu me solliciter d’honorable mariage ; mais j’étais à Bath, où les hommes trouvent une maîtresse parfois, mais bien rarement viennent chercher une femme ; et il s’ensuit que toutes les liaisons privées qu’une femme peut y espérer doivent avoir quelque tendance de cette sorte.

J’avais passé suffisamment bien le début de la saison car bien que j’eusse noué liaison avec un gentilhomme qui venait à Bath pour se divertir, je n’avais point consenti de traité pernicieux. Mais cette première saison m’amena pourtant à faire la connaissance d’une femme dans la maison de qui je logeais, qui ne tenait point une mauvaise maison, certes, mais qui n’était pas elle-même remplie des meilleurs principes. Je m’étais, à toutes occasions, conduite avec tant d’honnêteté, que ma réputation n’avait pas été touchée par la moindre souillure, et tous les hommes avec qui j’avais fréquenté étaient de si bonne renommée, que je n’avais pas obtenu le moindre blâme sur ces liaisons ; aucun d’eux ne semblait penser qu’il y eût nul moyen de proposer rien de mal. Toutefois, il y avait, ainsi que je l’ai dit, un seul gentilhomme qui