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MOLL FLANDERS

de lui, je tirai la bourse où il y avait trois guinées et demie ; alors il me demanda si c’était tout l’argent que j’avais ; je lui dis : « Non », riant encore, « il s’en faut de beaucoup. »

Eh bien, alors, dit-il, il fallait lui promettre d’aller lui chercher tout l’argent que j’avais, jusqu’au dernier fardin ; je lui dis que j’allais le faire, et j’entrai dans ma chambre d’où je lui rapportai un petit tiroir secret où j’avais environ six guinées de plus et un peu de monnaie d’argent, et je renversai tout sur le lit, et lui dis que c’était là toute ma fortune, honnêtement à un shilling près ; il regarda l’argent un peu de temps, mais ne le compta pas, puis le brouilla et le remit pêle-mêle dans le tiroir ; ensuite, atteignant sa poche, il en tira une clef, et me pria d’ouvrir une petite boîte en bois de noyer qu’il avait sur la table, et de lui rapporter tel tiroir, ce que je fis ; dans ce tiroir il y avait une grande quantité de monnaie en or, je crois près de deux cents guinées, mais je ne pus savoir combien. Il prit le tiroir et, me tenant par la main, il me la fit mettre dedans, et en prendre une pleine poignée ; je ne voulais point, et me dérobais ; mais il me serrait la main fermement dans la sienne et il la mit dans le tiroir, et il m’y fit prendre autant de guinées presque que j’en pus tenir à la fois.

Quand je l’eus fait, il me les fit mettre dans mon giron, et prit mon petit tiroir et versa tout mon argent parmi le sien, puis me dit de m’en aller bien vite et d’emporter tout cela dans ma chambre.

Je rapporte cette histoire plus particulièrement à cause de sa bonne humeur, et pour montrer le ton qu’il y avait dans nos conversations. Ce ne fut pas longtemps après