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MOLL FLANDERS

comme si je fusse envoyée par une dame de ses voisines à l’endroit où il vivait auparavant ; et, rendant des compliments aux maîtres et aux maîtresses, je dis que j’étais envoyée pour demander comment allait M…, et comment il avait reposé pendant la nuit. En apportant ce message, j’obtins l’occasion que je désirais ; car, parlant à une des servantes, je lui tins un long conte de commère, et je lui tirai tous les détails de sa maladie, que je trouvai être une pleurésie, accompagnée de toux et de fièvre ; elle me dit aussi qui était dans la maison, et comment allait sa femme, dont on avait quelque espoir, par son rapport, qu’elle pourrait recouvrer sa raison ; mais pour le gentilhomme lui-même, les médecins disaient qu’il y avait bien peu d’espoir, que le matin ils avaient cru qu’il était sur le point de mourir, et qu’il n’en valait guère mieux à cette heure, car on n’espérait pas lui voir passer la nuit.

Ceci était une lourde nouvelle pour moi, et je commençai maintenant à voir la fin de ma prospérité, et à comprendre que j’avais bien fait d’agir en bonne ménagère et d’avoir mis quelque peu de côté pendant qu’il était en vie, car maintenant aucune vue ne s’ouvrait devant moi pour soutenir mon existence.

Ce qui pesait bien lourdement aussi sur mon esprit, c’est que j’avais un fils, un bel enfant aimable, qui avait plus de cinq ans d’âge, et point de provision faite pour lui, du moins à ma connaissance ; avec ces considérations et un cœur triste je rentrai à la maison ce soir-là et je commençai de me demander comment j’allais vivre, et de quelle manière j’allais passer mon temps pour le reste de ma vie.