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MOLL FLANDERS

lui briserais le cœur ; de sorte que nous parlâmes un peu sur d’autres sujets, jusqu’enfin il prit congé de moi en mari, et puis s’endormit.

Il se leva avant moi le matin, et vraiment, moi qui étais restée éveillée presque toute la nuit, j’avais très grand sommeil et je demeurai couchée jusqu’à près d’onze heures. Pendant ce temps, il prit ses chevaux, et trois domestiques, avec tout son linge et ses hardes, et le voilà parti, ne me laissant qu’une lettre courte, mais émouvante, sur la table, et que voici :

« Ma chérie,

« Je suis un chien ; je vous ai dupée ; mais j’y ai été entraîné par une vile créature, contrairement à mes principes et à l’ordinaire coutume de ma vie. Pardonnez-moi, ma chérie ! Je vous demande pardon avec la plus extrême sincérité ; je suis le plus misérable des hommes, de vous avoir déçue ; j’ai été si heureux que de vous posséder, et maintenant je suis si pitoyablement malheureux que d’être forcé de fuir loin de vous. Pardonnez-moi, ma chérie ! Encore une fois, je le dis, pardonnez-moi ! Je ne puis supporter de vous voir ruinée par moi, et moi-même incapable de vous soutenir. Notre mariage n’est rien ; je n’aurai jamais la force de vous revoir ; je vous déclare ici que vous êtes libre ; si vous pouvez vous marier à votre avantage, ne refusez pas en songeant à moi ; je vous jure ici sur ma foi et sur la parole d’un homme d’honneur de ne jamais troubler votre repos si je l’apprends, ce qui toutefois n’est pas probable ; d’autre part, si vous ne vous mariez pas, et si je rencontre une bonne