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MOLL FLANDERS

yeux ; et le voir serait en ma condition ma perte et ma ruine ; si bien que je ne sais comment faire.

— Belle histoire que voilà ! dit la gouvernante. Vous voudriez voir l’enfant et ne pas le voir ; vous voudriez vous cacher et vous découvrir tout ensemble ; ce sont là des choses impossibles, ma chère, et il faut vous décider à faire tout justement comme d’autres mères consciencieuses l’ont fait avant vous et vous contenter des choses telles qu’elles doivent être, quand bien même vous les souhaiteriez différentes.

Je compris ce qu’elle voulait dire par « mères consciencieuses » ; elle aurait voulu dire « consciencieuses catins », mais elle ne désirait pas me désobliger, car en vérité, dans ce cas, je n’étais point une catin, étant légalement mariée, sauf toutefois la force de mon mariage antérieur. Cependant, que je fusse ce qu’on voudra, je n’en étais pas venue à cette extrémité d’endurcissement commune à la profession : je veux dire à être dénaturée et n’avoir aucun souci du salut de mon enfant, et je préservai si longtemps cette honnête affection que je fus sur le point de renoncer à mon ami de la Banque, qui m’avait si fortement pressée de revenir et de l’épouser qu’il y avait à peine possibilité de le refuser.

Enfin ma vieille gouvernante vint à moi, avec son assurance usuelle.

— Allons, ma chère, dit-elle, j’ai trouvé un moyen pour que vous soyez assurée que votre enfant sera bien traité, et pourtant les gens qui en auront charge ne vous connaîtront jamais.

— Oh ! ma mère, dis-je, si vous pouvez y parvenir, je serai liée à vous pour toujours.