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MOLL FLANDERS

— Fort bien, je crois que je l’emploierai.

À peine fus-je revenue à l’hôtellerie qu’il m’assaillit de paroles irrésistibles, m’assurant que puisqu’il avait eu la bonne fortune de me rencontrer et que tout s’accordait, ce serait hâter sa félicité que de mettre fin à la chose sur-le-champ.

— Quoi, que voulez-vous dire ? m’écriai-je en rougissant un peu. Quoi, dans une auberge, et sur la grand’route ? Dieu nous bénisse, dis-je, comment pouvez-vous parler ainsi ?

— Oh ! dit-il, je puis fort bien parler ainsi ; je suis venu à seule fin de parler ainsi et je vais vous faire voir que c’est vrai.

Et là-dessus il tire un gros paquet de paperasses.

— Vous m’effrayez, dis-je ; qu’est-ce que tout ceci ?

— Ne vous effrayez pas, mon cœur, dit-il, et me baisa. C’était la première fois qu’il prenait la liberté de m’appeler « son cœur ». Puis il le répéta : « Ne vous effrayez pas, vous allez voir ce que c’est. » Puis il étala tous ces papiers.

Il y avait d’abord l’acte ou arrêt de divorce d’avec sa femme et les pleins témoignages sur son inconduite ; puis il y avait les certificats du ministre et des marguilliers de la paroisse où elle vivait, prouvant qu’elle était enterrée, et attestant la manière de sa mort ; la copie de l’ordonnance de l’officier de la Couronne par laquelle il assemblait des jurés afin d’examiner son cas, et le verdict du jury qui avait été rendu en ces termes : Non compos mentis. Tout cela était pour me donner satisfaction, quoique, soit dit en passant je ne fusse point si scrupuleuse, s’il avait tout su, que de refuser de le prendre à