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MOLL FLANDERS

l’apprendras plus tard, et on ne te mettra pas au gros ouvrage tout de suite.

— Si, on m’y mettra, dis-je, et si je ne peux pas le faire, on me battra, et les servantes me battront pour me faire faire le gros ouvrage, et je ne suis qu’une petite fille, et je ne peux pas le faire !

Et je me remis à pleurer jusqu’à ne plus pouvoir parler.

Ceci émut ma bonne nourrice maternelle ; si bien qu’elle résolut que je n’entrerais pas encore en condition ; et elle me dit de ne pas pleurer, et qu’elle parlerait à M. le maire et que je n’entrerais en service que quand je serais plus grande.

Eh bien, ceci ne me satisfit pas ; car la seule idée d’entrer en condition était pour moi une chose si terrible que si elle m’avait assuré que je n’y entrerais pas avant l’âge de vingt ans, cela aurait été entièrement pareil pour moi ; j’aurais pleuré tout le temps, rien qu’à l’appréhension que la chose finirait par arriver.

Quand elle vit que je n’étais pas apaisée, elle se mit en colère avec moi :

— Et que veux-tu donc de plus, dit-elle, puisque je te dis que tu n’entreras en service que quand tu seras plus grande ?

— Oui, dis-je, mais il faudra tout de même que j’y entre, à la fin.

— Mais quoi, dit-elle, est ce que cette fille est folle ? Quoi, tu veux donc être une dame de qualité ?

— Oui, dis-je, et je pleurai de tout mon cœur, jusqu’à éclater encore en sanglots.

Ceci fit rire la vieille demoiselle, comme vous pouvez bien penser.