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MOLL FLANDERS

Par la fenêtre du magasin, nous aperçûmes sur le comptoir ou étal qui était juste devant cinq pièces de soie, avec d’autres étoffes ; et quoiqu’il fît presque sombre, pourtant les gens étant occupés dans le devant de la boutique n’avaient pas eu le temps de fermer ces fenêtres ou bien l’avaient oublié.

Là-dessus le jeune homme fut si ravi par la joie qu’il ne put se retenir ; tout cela était, disait-il, à sa portée ; et il m’affirma sous de violents jurons qu’il l’aurait, dût-il forcer la maison ; je l’en dissuadai un peu, mais vis qu’il n’y avait point de remède ; si bien qu’il s’y précipita à la hâte, fit glisser avec assez d’adresse un des carreaux de la fenêtre à châssis, prit quatre pièces de soie, et revint jusqu’à moi en les tenant, mais fut immédiatement poursuivi par une terrible foule en tumulte ; nous étions debout l’un à côté de l’autre, en vérité, mais je n’avais pris aucun des objets qu’il portait à la main, quand je lui soufflai rapidement :

— Tu es perdu !

Il courut comme l’éclair, et moi de même ; mais la poursuite était plus ardente contre lui parce qu’il emportait les marchandises ; il laissa tomber deux des pièces de soie, ce qui les arrêta un instant ; mais la foule augmenta et nous poursuivit tous deux, ils le prirent bientôt après avec les deux pièces qu’il tenait, et puis les autres me suivirent. Je courus de toutes mes forces et arrivai jusqu’à la maison de ma gouvernante où quelques gens aux yeux acérés me suivirent si chaudement qu’ils m’y bloquèrent : ils ne frappèrent pas aussitôt à la porte, ce qui me donna le temps de rejeter mon déguisement, et de me vêtir de mes propres habits ; d’ailleurs, quand ils