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MOLL FLANDERS

lement voir que tout était de nature ; mais c’était joint à tant d’innocence et à tant de passion qu’en somme la bonne créature maternelle se mit à pleurer aussi, et enfin sanglota aussi fort que moi, et me prit et me mena hors de la salle d’école : « Viens, dit-elle, tu n’iras pas en service, tu vivras avec moi » ; et ceci me consola pour le moment.

Là-dessus, elle alla faire visite au maire, mon affaire vint dans la conversation, et ma bonne nourrice raconta à M. le maire toute l’histoire ; il en fut si charmé qu’il alla appeler sa femme et ses deux filles pour l’entendre, et ils s’en amusèrent assez entre eux, comme vous pouvez bien penser.

Enfin, une semaine ne s’était pas écoulée, que voici tout à coup madame la femme du maire et ses deux filles qui arrivent à la maison pour voir ma vieille nourrice, et visiter son école et les enfants. Après qu’elles les eurent regardés un peu de temps :

— Eh bien, madame, dit la femme du maire à ma nourrice, et quelle est donc, je vous prie, la petite fille qui veut être dame de qualité ?

Je l’entendis et je fus affreusement effrayée, quoique sans savoir pourquoi non plus ; mais madame la femme du maire vient jusqu’à moi :

— Eh bien, mademoiselle, dit-elle, et quel ouvrage faites-vous en ce moment ?

Le mot mademoiselle était un langage qu’on n’avait guère entendu parler dans notre école, et je m’étonnai de quel triste nom elle m’appelait ; néanmoins je me levai, fis une révérence, et elle me prit mon ouvrage dans les mains, le regarda, et dit que c’était très bien ; puis elle regarda une de mes mains :