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MOLL FLANDERS

après qu’elles étaient sorties de la boutique et lui avait dit de le rapporter chez elle. On lui demanda où était cette Mme Flanders. Mais elle ne put la produire, ni rendre le moindre compte de moi ; et les hommes du mercier jurant positivement qu’elle était dans la boutique au moment que les marchandises avaient été volées, qu’ils s’étaient aperçus de leur disparition sur-le-champ, qu’ils l’avaient poursuivie, et qu’ils les avaient retrouvées sur elle, là-dessus le jury rendit le verdict « coupable » ; mais la cour, considérant qu’elle n’était pas réellement la personne qui avait volé les objets et qu’il était bien possible qu’elle ne pût pas retrouver cette Mme Flanders (ce qui se rapportait à moi) par où elle eût pu sauver sa vie, ce qui était vrai, lui accorda la faveur d’être déportée, qui fut l’extrême faveur qu’elle put obtenir ; sinon que la cour lui dit que si entre temps elle pouvait produire ladite Mme Flanders, la cour intercéderait pour son pardon ; c’est à savoir que si elle pouvait me découvrir et me faire pendre, elle ne serait point déportée. C’est ce que je pris soin de lui rendre impossible, et ainsi elle fut embarquée en exécution de sa sentence peu de temps après.

Il faut que je le répète encore, le sort de cette pauvre femme m’affligea extrêmement ; et je commençai d’être très pensive, sachant que j’étais réellement l’instrument de son désastre : mais ma pauvre vie, qui était si évidemment en danger, m’ôtait ma tendresse ; et voyant qu’elle n’avait pas été mise à mort, je fus aise de sa déportation, parce qu’elle était alors hors d’état de me faire du mal, quoi qu’il advînt.

Le désastre de cette femme fut quelques mois avant