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MOLL FLANDERS

vent entendu dire aux dames que j’étais jolie, et que je deviendrais extrêmement belle, vous pouvez penser que cela ne me rendait pas peu fière ; toutefois cette vanité n’eut pas encore de mauvais effet sur moi ; seulement, comme elles me donnaient souvent de l’argent que je donnais à ma vieille nourrice, elle, honnête femme, avait l’intégrité de le dépenser pour moi afin de m’acheter coiffe, linge et gants, et j’allais nettement vêtue ; car si je portais des haillons, j’étais toujours très propre, ou je les faisais barboter moi-même dans l’eau, mais, dis-je, ma bonne vieille nourrice, quand on me donnait de l’argent, bien honnêtement le dépensait pour moi, et disait toujours aux dames que ceci ou cela avait été acheté avec leur argent ; et ceci faisait qu’elles m’en donnaient davantage ; jusqu’enfin je fus tout de bon appelée par les magistrats, pour entrer en service ; mais j’étais alors devenue si excellente ouvrière, et les dames étaient si bonnes pour moi, que j’en avais passé le besoin ; car je pouvais gagner pour ma nourrice autant qu’il lui fallait pour m’entretenir ; de sorte qu’elle leur dit que, s’ils lui permettaient, elle garderait la « dame de qualité » comme elle m’appelait, pour lui servir d’aide et donner leçon aux enfants, ce que j’étais très bien capable de faire ; car j’étais très agile au travail, bien que je fusse encore très jeune.

Mais la bonté de ces dames ne s’arrêta pas là, car lorsqu’elles comprirent que je n’étais plus entretenue par la cité, comme auparavant, elles me donnèrent plus souvent de l’argent ; et, à mesure que je grandissais, elles m’apportaient de l’ouvrage à faire pour elles : tel que linge à rentoiler, dentelles à réparer, coiffes à façonner, et non seulement me payaient pour mon ouvrage, mais