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MOLL FLANDERS

roles ; et qu’aussi bien je commençais à voir que j’allais prendre trop d’aigreur pour l’homme qui m’avait arrêtée.

Le maître et la maîtresse de la boutique furent loin de se montrer aussi violents que l’homme d’en face ; et le maître me dit :

— Bonne dame, il se peut que vous soyez entrée dans ma boutique, pour autant que je sache, dans un bon dessein ; mais il semble que ce fût une chose dangereuse à vous que d’entrer dans une boutique telle que la mienne, au moment que vous n’y voyiez personne ; et je ne puis rendre si peu de justice à mon voisin, qui a montré tant de prévenance, que de ne point reconnaître qu’il a eu raison sur sa part : malgré qu’en somme je ne trouve pas que vous ayez tenté de prendre aucune chose, si bien qu’en vérité je ne sais trop que faire.

Je le pressai d’aller avec moi devant un magistrat, et que si on pouvait prouver contre moi quelque chose qui fût, je me soumettrais de bon cœur, mais que sinon, j’attendais réparation.

Justement comme nous étions dans ce débat, avec une grosse populace assemblée devant la porte, voilà que passe sir T. B., échevin de la cité et juge de paix, ce qu’entendant l’argentier supplia Sa Dignité d’entrer afin de décider le cas.

Il faut rendre à l’argentier cette justice, qu’il conta son affaire avec infiniment de justice et de modération et l’homme qui avait traversé la rue pour m’arrêter conta la sienne avec autant d’ardeur et de sotte colère, ce qui me fit encore du bien. Puis ce fut mon tour de parler, et je dis à Sa Dignité que j’étais étrangère dans Londres, étant nouvellement arrivée du Nord ; que je logeais dans tel