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MOLL FLANDERS

trouver le moyen ; deux dragons enflammés n’eussent pas montré plus de fureur ; elles lacérèrent mes habits, m’injurièrent et hurlèrent, comme si elles eussent voulu m’assassiner ; la maîtresse de la maison arriva ensuite, et puis le maître, et tous pleins d’insultes.

Je donnai au maître de bonnes paroles, lui dis que la porte était ouverte, que les choses étaient une tentation pour moi, que j’étais pauvre, dans la détresse, et que la pauvreté était une chose à laquelle beaucoup de personnes ne pouvaient résister, et le suppliai avec des larmes d’avoir pitié de moi. La maîtresse de la maison était émue de compassion et incline à me laisser aller, et avait presque amené son mari à y consentir, mais les coquines avaient couru, devant qu’on les eût envoyées, pour ramener un commissaire ; sur quoi le maître dit qu’il ne pouvait reculer, et qu’il fallait aller devant un juge, et qu’il pourrait être lui-même dans la peine s’il me relâchait.

La vue d’un commissaire en vérité me frappa, et je pensai enfoncer en terre ; je tombai en pâmoison, et en vérité ces gens pensaient que je fusse morte, quand de nouveau la femme plaida pour moi, et pria son mari, voyant qu’ils n’avaient rien perdu, de me relâcher. Je lui offris de lui payer les deux pièces, quelle qu’en fût la valeur, quoique je ne les eusse pas prises, et lui exposai que puisqu’il avait les marchandises, et qu’en somme il n’avait rien perdu, il serait cruel de me persécuter à mort, et de demander mon sang pour la seule tentative que j’avais faite de les prendre. Je rappelai aussi au commissaire que je n’avais point forcé de portes, ni rien emporté ; et quand j’arrivai devant le juge et que je