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MOLL FLANDERS

prendre quelque pitié de moi ; elle trouva que la femme était la même encore, mais que l’homme alléguait qu’il était forcé de poursuivre, sans quoi il perdrait sa reconnaissance en justice.

Ma gouvernante s’offrit à trouver des amis qui feraient ôter sa reconnaissance du fil d’archal des registres, comme ils disent, mais il ne fut pas possible de le convaincre qu’il y eût aucun salut pour lui au monde, sinon de comparaître contre moi ; si bien que j’allais avoir contre moi trois témoins à charge sur le fait même, le maître et ses deux servantes ; c’est-à-dire que j’étais aussi certaine d’encourir la peine de mort que je l’étais de vivre à cette heure et que je n’avais rien à faire qu’à me préparer à mourir.

Je passai là bien des jours dans la plus extrême horreur : j’avais la mort en quelque sorte devant les yeux et je ne pensais à rien nuit et jour qu’à des gibets et à des cordes, mauvais esprits et démons ; il est impossible d’exprimer combien j’étais harassée entre les affreuses appréhensions de la mort et la terreur de ma conscience qui me reprochait mon horrible vie passée.

Le chapelain de Newgate vint me trouver, et me parla un peu à sa façon ; mais tout son discours divin se portait à me faire avouer mon crime, comme il le nommait (malgré qu’il ne sût pas pourquoi j’étais là), à découvrir entièrement ce que j’avais fait, et autres choses semblables, sans quoi il me disait que Dieu ne me pardonnerait jamais ; et il fut si loin de toucher le propos même que je n’en eus aucune manière de consolation ; et puis d’observer la pauvre créature me prêcher le matin confession et repentir, et de le trouver ivre d’eau-de-vie sur