Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
MOLL FLANDERS

tant elle excédait la bonne femme avec qui j’avais vécu avant en tout, qu’en état ; je dis en tout, sauf en honnêteté ; et pour cela, quoique ceci fût une dame bien exactement juste, cependant je ne dois pas oublier de dire en toutes occasions, que la première, bien que pauvre, était aussi foncièrement honnête qu’il est possible.

Je n’eus pas plus tôt été emmenée par cette bonne dame de qualité, que la première dame, c’est-à-dire madame la femme du maire, envoya ses filles pour prendre soin de moi ; et une autre famille qui m’avait remarquée, quand j’étais la petite dame de qualité, me fit chercher, après celle-là, de sorte qu’on faisait grand cas de moi ; et elles ne furent pas peu fâchées, surtout madame la femme du maire, que son amie m’eût enlevée à elle ; car disait-elle, je lui appartenais par droit, elle ayant été la première qui eût pris garde à moi ; mais celles qui me tenaient ne voulaient pas me laisser partir ; et, pour moi, je ne pouvais être mieux que là où j’étais.

Là, je continuai jusqu’à ce que j’eusse entre dix-sept et dix-huit ans, et j’y trouvai tous les avantages d’éducation qu’on peut s’imaginer ; cette dame avait des maîtres qui venaient pour enseigner à ses filles à danser, à parler français et à écrire, et d’autres pour leur enseigner la musique ; et, comme j’étais toujours avec elles, j’apprenais aussi vite qu’elles ; et quoique les maîtres ne fussent pas appointés pour m’enseigner, cependant j’apprenais par imitation et questions tout ce qu’elles apprenaient par instruction et direction. Si bien qu’en somme j’appris à danser et à parler français aussi bien qu’aucune d’elles et à chanter beaucoup mieux, car j’avais une meilleure voix qu’aucune d’elles ; je ne pouvais pas