Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
339
MOLL FLANDERS

Ce fut alors que pour la première fois j’éprouvai quelques signes réels de repentir ; je commençai maintenant de considérer ma vie passée avec horreur, et ayant une espèce de vue de l’autre côté du temps, les choses de la vie, comme je crois qu’il arrive à toute personne dans un tel moment, commencèrent de prendre un aspect différent et tout une autre forme qu’elles n’avaient fait avant. Les vues de félicité, de joie, les douleurs de la vie, me parurent des choses entièrement changées ; et je n’avais rien dans mes pensées qui ne fût si infiniment supérieur à tout ce que j’avais connu dans la vie qu’il me parut de la plus grande stupidité d’attacher de l’importance à chose qui fût, quand elle eût la plus grande valeur du monde. Le mot « d’éternité » se représenta avec toutes ses additions incompréhensibles, et j’en eus des notions si étendues que je ne sais comment les exprimer.

Le bon gentilhomme fut tellement ému par la vue de l’influence que toutes ces choses avaient eue sur moi qu’il bénit Dieu qui avait permis qu’il me vînt voir et résolut de ne pas m’abandonner jusqu’au dernier moment.

Ce ne fut pas moins de douze jours après que nous eûmes reçu notre sentence avant que personne fût envoyé au supplice ; et puis l’ordre de mort, comme ils disent, arriva, et je trouvai que mon nom était parmi les autres. Ce fut un terrible coup pour mes nouvelles résolutions ; en vérité mon cœur s’enfonça et je pâmai deux fois, l’une après l’autre, mais ne prononçai pas une parole. Le bon ministre était bien affligé pour moi et fit ce qu’il put pour me réconforter avec les mêmes arguments et la même éloquence touchante qu’il avait fait avant, et ne me quitta pas de la soirée, tant que les gardiens voulurent lui per-