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MOLL FLANDERS

ne fallait pas me décourager ; puisque peut-être elle trouverait des voies et moyens pour disposer de moi d’une façon particulière, de quoi elle me parlerait plus à plein plus tard.

Je la regardai avec attention, et il me parut qu’elle avait l’air plus gai que de coutume, et immédiatement j’entretins mille notions d’être délivrée, mais n’eusse pu pour ma vie en imaginer les méthodes, ni songer à une qui fût praticable ; mais j’y étais trop intéressée pour la laisser partir sans qu’elle s’expliquât, ce que toutefois, elle fut très répugnante à faire, mais comme je la pressais toujours, me répondit en un peu de mots ainsi :

— Mais tu as de l’argent, n’est-ce pas ? En as-tu déjà connu une dans ta vie qui se fît déporter avec 100 £ dans sa poche ? Je te le promets, mon enfant, dit-elle.

Je la compris bien vite, mais lui dis que je ne voyais point lieu d’espérer d’autre chose que la stricte exécution de l’ordre, et qu’ainsi que c’était une sévérité qu’on regardait comme une merci, il n’y avait point de doute qu’elle ne serait strictement observée. Elle répondit seulement ceci :

— Nous essayerons ce qu’on peut faire…

Et ainsi nous nous séparâmes.

Je demeurai en prison encore près de quinze semaines ; quelle en fut la raison, je n’en sais rien ; mais au bout de ce temps, je fus embarquée à bord d’un navire dans la Tamise, et avec moi une bande de treize créatures aussi viles et aussi endurcies que Newgate en produisit jamais de mon temps : et, en vérité, il faudrait une histoire plus longue que la mienne pour décrire les degrés d’impudence et d’audacieuse coquinerie auxquelles ces treize arrivèrent