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MOLL FLANDERS

— C’est que, dis-je, mon cher, tu ne connais pas le pays aussi bien que moi.

— Il se peut, dit-il ; et pourtant je crois, si bien que tu le connaisses, que tu ferais de même ; à moins que ce ne soit, ainsi que tu me l’as dit, parce que tu as ta mère là-bas

Je lui dis que pour ma mère, elle devait être morte depuis bien des années ; et que pour les autres parents que j’y pouvais avoir, je ne les connaissais point ; que depuis que mes infortunes m’avaient réduite à la condition où j’avais été depuis plusieurs années, j’avais cessé toute correspondance avec eux ; et qu’il pouvait bien croire que je serais reçue assez froidement s’il fallait que je leur fisse d’abord visite dans la condition d’une voleuse déportée ; que par ainsi, au cas où j’irais là-bas, j’étais résolue à ne les point voir ; mais que j’avais bien des vues sur ce voyage, qui en ôteraient toutes les parties pénibles ; et que s’il se trouvait obligé d’y aller aussi, je lui enseignerais aisément comment il fallait s’y prendre pour ne jamais entrer en servitude, surtout puisque je trouvais qu’il ne manquait pas d’argent, qui est le seul ami véritable dans cette espèce de condition.

Il me sourit et me répondit qu’il ne m’avait point dit qu’il eût de l’argent. Je le repris du court et lui dis que j’espérais qu’il n’avait point entendu par mon discours que j’attendisse aucun secours de lui, s’il avait de l’argent ; qu’au contraire, malgré que je n’en eusse pas beaucoup, pourtant je n’étais pas dans le besoin, et que pendant que j’en aurais, j’ajouterais plutôt à sa réserve que je ne l’affaiblirais, sachant bien que quoi qu’il eût,