Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/383

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ment de la tête aux pieds et avait été garrotté si long-temps qu’il ne lui restait plus qu’un souffle de vie.

Je coupai aussitôt les glayeuls ou les joncs tortillés qui l’attachaient, et je voulus l’aider à se lever ; mais il ne pouvait ni se soutenir ni parler ; seulement il gémissait très-piteusement, croyant sans doute qu’on ne l’avait délié que pour le faire mourir.

Lorsque Vendredi se fut approché, je le priai de lui parler et de l’assurer de sa délivrance ; puis, tirant ma bouteille, je fis donner une goutte de rum à ce pauvre malheureux ; ce qui, avec la nouvelle de son salut, le ranima, et il s’assit dans le bateau. Mais quand Vendredi vint à l’entendre parler et à le regarder en face, ce fut un spectacle à attendrir jusqu’aux larmes, de le voir baiser, embrasser et étreindre ce Sauvage ; de le voir pleurer, rire, crier, sauter à l’entour, danser, chanter, puis pleurer encore, se tordre les mains, se frapper la tête et la face, puis chanter et sauter encore à l’entour comme un insensé. Il se passa un long temps avant que je pusse lui arracher une parole et lui faire dire ce dont il s’agissait ; mais quand il fut un peu revenu à lui-même, il s’écria : — « C’est mon père ! »