Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/417

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À dire vrai, je ne me figurais guère que nous fussions capables de recouvrer le navire ; mais j’avais mon but. Dans le cas où ils repartiraient sans la chaloupe, je ne doutais pas que je ne pusse la mettre en état de nous transporter aux Îles-sous-le-Vent et de recueillir en chemin nos amis les Espagnols ; car ils étaient toujours présents à ma pensée.

Ayant à l’aide de nos forces réunies tiré la chaloupe si avant sur la grève, que la marée haute ne pût l’entraîner, ayant fait en outre un trou dans le fond, trop grand pour être promptement rebouché, nous nous étions assis pour songer à ce que nous avions à faire ; et, tandis que nous concertions nos plans, nous entendîmes tirer un coup de canon, puis nous vîmes le navire faire avec son pavillon comme un signal pour rappeler la chaloupe à bord ; mais la chaloupe ne bougea pas, et il se remit de plus belle à tirer et à lui adresser des signaux.

À la fin, quand il s’apperçut que ses signaux et ses coups de canon n’aboutissaient à rien et que la chaloupe ne se montrait pas, nous le vîmes, — à l’aide de mes longues-vues, — mettre à la mer une autre embarcation qui nagea vers le rivage ; et tandis qu’elle s’approchait nous reconnûmes qu’elle n’était pas montée par moins de dix hommes, munis d’armes à feu.

Comme le navire mouillait à peu près à deux lieues du rivage, nous eûmes tout le loisir, durant le trajet, d’examiner l’embarcation, ses hommes d’équipage et même leurs figures ; parce que, la marée les ayant fait dériver un peu à l’Est de l’autre chaloupe, ils longèrent le rivage pour venir à la même place où elle avait abordé et où elle était gisante.

De cette façon, dis-je, nous eûmes tout le loisir de les