Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/429

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à la miséricorde du gouverneur : c’est moi dont il entendait parler, car ils m’appelaient touts gouverneur.

Bref, ils déposèrent touts les armes et demandèrent la vie ; et j’envoyai pour les garrotter l’homme qui avait parlementé avec deux de ses compagnons. Alors ma grande armée de cinquante d’hommes, laquelle, y compris les trois en détachement, se composait en tout de huit hommes, s’avança et fit main basse sur eux et leur chaloupe. Mais je me tins avec un des miens hors de leur vue, pour des raisons d’État.

Notre premier soin fut de réparer la chaloupe et de songer à recouvrer le vaisseau. Quant au capitaine, il eut alors le loisir de pourparler avec ses prisonniers. Il leur reprocha l’infamie de leurs procédés à son égard, et l’atrocité de leur projet, qui, assurément, les aurait conduits enfin à la misère et à l’opprobre, et peut-être à la potence.

Ils parurent touts fort repentants et implorèrent la vie. Il leur répondit là-dessus qu’ils n’étaient pas ses prisonniers, mais ceux du gouverneur de l’île ; qu’ils avaient cru le jeter sur le rivage d’une île stérile et déserte, mais qu’il avait plu à Dieu de les diriger vers une île habitée, dont le gouverneur était Anglais, et pouvait les y faire pendre touts, si tel était son plaisir ; mais que, comme il leur avait donné quartier, il supposait qu’il les enverrait en Angleterre pour y être traités comme la justice le requérait, hormis Atkins, à qui le gouverneur lui avait enjoint de dire de se préparer à la mort, car il serait pendu le lendemain matin.

Quoique tout ceci ne fût qu’une fiction de sa part, elle produisit cependant tout l’effet désiré. Atkins se jeta à genoux et supplia le capitaine d’intercéder pour lui auprès du gouverneur, et touts les autres le conjurèrent au nom de Dieu, afin de n’être point envoyés en Angleterre.

Il me vint alors à l’esprit que le moment de notre déli-