Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/435

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la chambre du Conseil, où était posté le nouveau capitaine rebelle, qui, ayant eu quelque alerte, était monté et avait pris les armes avec deux matelots et un mouce. Quand le second eut effondré la porte avec une pince, le nouveau capitaine et ses hommes firent hardiment feu sur eux. Une balle de mousquet atteignit le second et lui cassa le bras, deux autres matelots furent aussi blessés, mais personne ne fut tué.

Le second, appelant à son aide, se précipita cependant, tout blessé qu’il était, dans la chambre du Conseil, et déchargea son pistolet à travers la tête du nouveau capitaine. Les balles entrèrent par la bouche, ressortirent derrière l’oreille et le firent taire à jamais. Là-dessus le reste se rendit, et le navire fut réellement repris sans qu’aucun autre perdît la vie.

Aussitôt que le bâtiment fut ainsi recouvré, le capitaine ordonna de tirer sept coups de canon, signal dont il était convenu avec moi pour me donner avis de son succès. Je vous laisse à penser si je fus aise de les entendre, ayant veillé tout exprès sur le rivage jusqu’à près de deux heures du matin.

Après avoir parfaitement entendu le signal, je me couchai ; et, comme cette journée avait été pour moi très-fatigante, je dormis profondément jusqu’à ce que je fus réveillé en sursaut par un coup de canon. Je me levai sur-le-champ, et j’entendis quelqu’un m’appeler : — « Gouverneur, gouverneur ! » — Je reconnus de suite la voix du capitaine, et je grimpai sur le haut du rocher où il était monté. Il me reçut dans ses bras, et, me montrant du doigt le bâtiment : — « Mon cher ami et libérateur, me dit-il, voilà votre navire ; car il est tout à vous, ainsi que nous et tout ce qui lui appartient. » Je jetai les yeux sur le