Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/67

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prirent du cœur ; ils s’avancèrent vers la rive et se mirent à sa recherche. Son sang, qui teignait l’eau, me le fit découvrir ; et, à l’aide d’une corde dont je l’entourai et que je donnai aux Nègres pour le haler, ils le traînèrent au rivage. Là, il se trouva que c’était un léopard des plus curieux, parfaitement moucheté et superbe. Les Nègres levaient leurs mains dans l’admiration de penser ce que pouvait être ce avec quoi je l’avais tué.

L’autre animal, effrayé par l’éclair et la détonation de mon mousquet, regagna la rive à la nage et s’enfuit directement vers les montagnes d’où il était venu, et je ne pus, à cette distance, reconnaître ce qu’il était. Je m’aperçus bientôt que les Nègres étaient disposés à manger la chair du léopard ; aussi voulus-je le leur faire accepter comme une faveur de ma part ; et, quand par mes signes je leur eus fait savoir qu’ils pouvaient le prendre, ils en furent très reconnaissants. Aussitôt ils se mirent à l’ouvrage et l’écorchèrent avec un morceau de bois affilé, aussi promptement, même plus promptement que nous ne pourrions le faire avec un couteau. Ils m’offrirent de sa chair ; j’éludai cette offre, affectant de vouloir la leur abandonner ; mais, par mes signes, leur demandant la peau, qu’ils me donnèrent très franchement, en m’apportant en outre une grande quantité de leurs victuailles, que j’acceptai, quoiqu’elles me fussent inconnues. Alors je leur fis des signes pour avoir de l’eau, et je leur montrai une de mes jarres en la tournant sens dessus dessous, pour faire voir qu’elle était vide et que j’avais besoin qu’elle fût remplie. Aussitôt ils appelèrent quelques-uns des leurs, et deux femmes vinrent, apportant un grand vase de terre qui, je le suppose, était cuite au soleil. Ainsi que précédemment, ils le déposèrent, pour moi, sur le rivage. J’y envoyai Xury avec mes jarres, et il