Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

son cœur. De peur de l’Inquisition, il a été obligé de se cacher. À coup sûr, il serait ravi de trouver une pareille occasion de s’échapper avec sa femme et ses deux filles. Si vous vouliez bien le laisser émigrer dans votre île et lui constituer une plantation, je me chargerais de lui donner un petit matériel pour commencer ; car les officiers de l’Inquisition ont saisi touts ses effets et touts ses biens, et il ne lui reste rien qu’un chétif mobilier et deux esclaves. Quoique je haïsse ses principes, cependant je ne voudrais pas le voir tomber entre leurs mains ; sûrement il serait brûlé vif. »

J’adhérai sur-le-champ à cette proposition, je réunis mon Anglais à cette famille, et nous cachâmes l’homme, sa femme et ses filles sur notre navire, jusqu’au moment où le sloop mit à la voile. Alors, leurs effets ayant été portés à bord de cette embarcation quelque temps auparavant, nous les y déposâmes quand elle fut sortie de la baie.

Notre marin fut extrêmement aise de ce nouveau compagnon. Aussi riches l’un que l’autre en outils et en matériaux, ils n’avaient, pour commencer leur établissement, que ce dont j’ai fait mention ci-dessus ; mais ils emportaient avec eux, — ce qui valait tout le reste, — quelques plants de canne à sucre et quelques instruments pour la culture des cannes, à laquelle le Portugais s’entendait fort bien.

Entre autres secours que je fis passer à mes tenanciers dans l’île, je leur envoyai par ce sloop : trois vaches laitières, cinq veaux, environ vingt-deux porcs, parmi lesquels trois truies pleines ; enfin deux poulinières et un étalon.

J’engageai trois femmes portugaises à partir, selon ma promesse faite aux Espagnols, auxquels je recommandai de les épouser et d’en user dignement avec elles. J’aurais pu en embarquer bien davantage, mais je me souvins que le pauvre homme persécuté avait deux filles, et que cinq Espa-