Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/504

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différence entre un protestant et un payen, entre celui qui invoque Jésus-Christ, quoique dans un mode qu’il ne juge pas conforme à la véritable foi, et un Sauvage, un Barbare, qui ne connaît ni Dieu, ni Christ, ni Rédempteur. La maxime est vraie, mais la conduite n’est pas selon les règles ecclésiastiques. Le bénédictin va plus loin encore : il donne la bénédiction nuptiale à des personnes qui n’y croient point, sans aucune préparation antérieure, presque à leur insu, de sorte qu’on ne pouvait deviner par là de quelle religion il était (page 258). Qu’importe que les Anglais ne désapprouvent point un tel mariage, s’il encourt la désapprobation de l’Église catholique ? Un prêtre, dans ses fonctions, ne doit avoir en vue que la société dont il est le ministre. Il a tort dans sa conviction qu’il n’y a point d’hérésie dans un excès de charité (page 240). Il est bien enseigné dans l’Évangile que beaucoup de péchés sont remis à qui aime beaucoup, et que la charité couvre la multitude des péchés, mais non qu’un excès de charité empêche de tomber dans l’hérésie. Sans contredit, la charité est une garantie contre l’erreur, elle aide à sortir de l’erreur, mais elle ne préserve pas infailliblement de toute chute celui qui la possède.

On serait étonné de rencontrer dans un livre aussi modéré que Robinson Crusoé, quelques préjugés contre le catholicisme, si l’on ne savait que l’auteur était zélé protestant. On en voit percer des traces tome ii, pages 202 et 203 ; elles sont empreintes d’un peu de ridicule, même tome, page 220. Mais on lit, pages 257 et 258 : « Jamais pareil sermon n’a été prêché par un prêtre papiste dans ces derniers siècles du monde. Aussi lui dis-je que je lui trouvais tout le zèle, toute la sincérité d’un Chrétien, sans les erreurs d’un catholique romain, et que je croyais voir en lui un pasteur tel qu’avaient été les évêques de Rome avant que l’Église romaine se fut assurée la souveraineté spirituelle sur les consciences humaines. » Mais le sermon du Bénédictin n’offre rien de contraire à la foi de l’Église catholique, et par conséquent rien qui ne puisse être prêché par un prêtre papiste. Il serait bien à désirer que les yeux des Protestants se décillassent et qu’ils apperçussent enfin qu’on les a égarés sur l’enseignement du catholicisme. Ne cessera-t-on jamais de se tromper soi-même et de prendre pour la doctrine du corps les opinions de quelques membres sans crédit ? Ne reconnaîtra-t-on jamais les calomnies de coryphées de la réforme, qui ont donné, dans leur système d’intérêt, quelques vaines pratiques pour le culte solennel et avoué de l’Église ? Quel homme de bonne foi se refuserait d’entrer dans les bons sentiments de Silvio Pellico ? (Le Mie Prigioni, tome ii, page 101.) « Nos entretiens, d’Oroboni et de moi, ne roulaient plus que sur la philosophie chrétienne, et sur la comparaison que nous en faisions avec les pauvretés de la doctrine sensualiste. C’était un bonheur pour touts deux de trouver une si grande conformité entre le Christianisme et la raison. Touts deux, en confrontant les diverses communions évangéliques, nous reconnaissions que la catholique est la seule qui puisse réellement résister à la critique, et que la doctrine de cette communion se compose de dogmes très-purs et d’une morale très-élevée, et non de misérables conceptions de l’ignorance humaine. » Les sentiments qu’il exprime page 129 ne sont-ils pas ceux de tout prêtre catholique ? « Quel contentement de nous trouver d’accord en matière de religion, d’accord l’un et l’autre à haïr l’ignorance et la barbarie, mais aussi à ne haïr aucun homme, à prendre en pitié les ignorants et les méchants, et à prier pour eux ! » Que vient faire ici l’usurpation de la souveraineté spirituelle sur les consciences humaines par les évêques de Rome ? N’est-il pas constant que la primauté du pape est de droit divin, que l’usage qu’il en a fait, dès l’origine du Christianisme, est un fait reconnu par les Protestants les plus instruits et les plus distingués, qu’en général ceux qui ont occupé le siége apostolique semblent n’avoir eu de règle de conduite que la maxime de l’entre d’entre eux ; Ne plions pas les canons à notre volonté, mais que les canons nous trouvent soumis à leur empire ; qu’il serait de la plus horrible injustice d’attribuer à touts les pontifes romains les empiétements de quelques-uns d’entre eux ; que l’Église gallicane ne cesse pas de faire partie de l’Église universelle, et n’a jamais été