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HÉLIKA.

mon Adala à qui j’en avais parlé, l’intérieur en était complètement changé.

Des tremblements de terre avaient fait tomber une partie de la voûte. Ce n’était plus qu’une ruine de ce que j’avais vu.

Un jour, il y eut grand émoi dans le village. Deux hommes, en longeant le sentier au pied de la montagne, y avaient aperçu des flammes et une fumée qui s’en échappaient. On avait même vu deux ou trois ombres sur le sommet du rocher et ce ne pouvait être que des hommes. La frayeur était à son comble.

Des voisins vinrent le soir veiller chez moi, suivant leur habitude, et me racontèrent ce qui faisait le sujet de toutes les conversations.

Tous ceux qui fréquentaient ma maison étaient de braves gens doués d’un esprit sain et de la plus grande honnêteté, de plus d’un courage éprouvé.

Mais ce soir-là parmi eux se trouvait un autre homme qui, depuis trois à quatre jours, sous un prétexte ou sous un autre, venait me faire des visites fréquentes et fort assidues. Il habitait une cabane à quelque distance de chez moi. Elle était située sur la lisière immédiate des bois et aux pieds de ce qu’on appelait la Montagne Ronde.

Cette montagne est ainsi nommée parce qu’elle ressemble à un pain de sucre dont le sommet aurait été arrondi.

La renommée de cet individu était rien moins que recommandable. Les gens de l’endroit se disaient tout bas qu’il avait incendié plusieurs granges et qu’il ne vivait que de vols. À vrai dire, sa figure ne prévenait pas en sa faveur. Il avait un front bas et fuyant, d’épais sourcils où se joignaient ensemble et semblaient tirer au cordeau. Ses yeux étaient louches, ternes et sournois. Ils s’illuminaient quelquefois et jetaient alors un éclat fauve. Son nez aquilin se recourbait sur une bouche dont les lèvres étaient tellement minces qu’on les eut dites coupées comme une incision faite dans une feuille de papier. Lorsqu’il parlait, on pouvait voir quelques dents rares mais aiguës comme celles d’un serpent. Les muscles de la mâchoire inférieure présentaient à son angle un gonflement tel qu’en possède le tigre et tous les animaux féroces. Ce soir-là, il était en belle humeur et nous amusait par le récit d’un événement qui s’était passé chez lui dans la journée : Un fou était entré dans sa maison, y avait fait toutes les perquisitions possibles sous prétexte de chercher une poule qu’il disait avoir été dérobée et qui devait s’y trouver. Il s’était, parait-il, livré à mille extravagances tout en cherchant cette fameuse poule. Les excen-