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HÉLIKA.

d’important à me dire, car il me regarde en pleine figure et balbutie quelques paroles sans suite.

Enfin il se décide à s’approcher de moi en disant : « Ne me grondez pas trop fort, Père Hélika, mais avant que de revenir j’ai été la voir et elle m’a reconnu. Oh ! la chère enfant qu’elle est belle et comme elle m’a demandé avec empressement de vos nouvelles. Puis sans me laisser le temps d’ajouter un mot ! Et les bonnes religieuses, et la mère d’Attenousse qui se trouvait là, avec quelle anxiété elles se sont informées de vous ! Nom d’un nom ! je ne suis pourtant pas une Madeleine, mais vrai, j’ai été trop bête pour leur répondre. J’étais, comment vous dirai-je, tenez aussi incapable de parler que quand ma pauvre mère me dit dans ses derniers moments en m’embrassant : " Baptiste, je vais te laisser pour toujours, mais Dieu prendra soin de toi. Sois honnête et religieux avant tout. " Je ne pus dire un seul mot. À travers mes larmes, je voyais tout danser et tourbillonner autour de moi. Je m’agenouillai seulement pour recevoir sa bénédiction. Le lendemain la sainte femme n’était plus. Elle était morte sans que j’aie pu lui donner l’assurance que je suivrais à la lettre ses dernières recommandations. Maintenant, je vous avouerai que, c’est ainsi que je me suis trouvé en entendant les belles paroles que la Dame Supérieure et l’Assistante me disaient. Stupide et pleurnichant comme une vieille femme, je sortis ne sachant où donner la tête. Un homme m’attendait à la porte et est venu me reconduire jusqu’au canot. Il avait sous le bras un gros sac qu’on vous envoyait sans doute. »

Baptiste à ces mots me présente ce sac que j’ouvre en sa présence. Il contenait des provisions que mes bonnes sœurs lui ont fait remettre pour leur descente. Il y a de plus une enveloppe dans laquelle il doit y avoir une charmante petite lettre. Elle est si mignonne et si gentille.

« En effet, ajouta-t-il en se frappant le front, l’homme de l’hôpital, rendu au canot, m’a dit, ce sac est pour vous, la lettre pour le grand Chef, et je me rappelle à présent que pendant que je parlais avec les religieuses la petite avait dit : " Je vais écrire à mon père Hélika. "

« Ne m’en voulez pas, je l’aime moi aussi et je voulais savoir si elle était heureuse. Maintenant me pardonnez-vous ? »

Je l’embrasse à ces paroles et je lui presse la main. C’était la seule marque de reconnaissance que je pouvais lui donner. J’étais si ému de ces témoignages d’amitié. J’insistai pour qu’il prit quelque repos, il s’étendit sur son lit et ne tarda pas à s’endormir.

Je vais de suite m’installer au pied d’un arbre touffu que les