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HÉLIKA.

à l’aventure, lorsqu’un matin j’arrivai sur le bord d’une clairière. Au milieu, une biche, nonchalamment couchée, suivait avec orgueil et amour les ébats d’un jeune faon qui folâtrait auprès d’elle. Ils étaient tous deux dans une parfaite sécurité. J’avais des provisions en abondance ; mais l’instinct féroce déjà me dominait. J’ajustai donc le faon, le coup partit et il tomba à deux pas de sa mère. Un jet de sang s’échappa de sa poitrine. Surprise d’abord, la malheureuse biche regarda autour d’elle pour se rendre compte sans doute du lieu d’où venait le danger, puis ses regards se portèrent sur son petit, il était étendu par terre, ses membres s’agitaient et se raidissaient sous l’étreinte d’une suprême agonie. D’un bond elle fut auprès de lui, et lorsqu’elle aperçut le flot de sang qui ruisselait de sa blessure, elle poussa un gémissement si triste, si plaintif qu’il eût attendri le cœur le plus endurci. Ce cri d’une inénarrable douleur, qui ne peut venir que des entrailles d’une mère, me réjouit cependant intérieurement, et ce fut avec plaisir que j’observai ce qui se passa. La pauvre mère, en continuant ses gémissements, se mit à lécher la blessure et à inonder son petit de son souffle, comme pour réchauffer ses membres que le froid de la mort saisissait. Elle tournait autour de lui, essayait à soulever sa tête, puis s’éloignait ensuite de quelques pas comme pour l’engager à la suivre et à fuir avec elle. Elle revenait un instant après, recommençait encore à l’appeler comme elle avait dû faire bien des fois dans sa sollicitude maternelle, pour l’avertir d’éviter un danger ; mais le faon ne bougeait pas, il était bien mort. À mesure que le faon se refroidissait et qu’elle voyait ses efforts de plus en plus inutiles, ses braiements devenaient plus désespérés et déchirants. Parfois elle courait à chaque coin de la clairière et faisait retentir les échos des bois de ses plaintes, comme si elle eût appelé du secours, puis elle revenait en toute hâte auprès de son petit, paraissant refuser de croire qu’un être fut assez méchant pour lui avoir donné la mort. Enfin, lorsqu’elle se fut assurée que tout espoir était perdu, elle s’arrêta morne et immobile auprès de lui, appuya ses narines sur les siennes. C’était le dernier baiser que donne la mère sur les lèvres glacées de son enfant. La clairière était d’une petite étendue, la biche avait la face tournée vers moi ; je remarquai dans ses yeux une expression d’indicible douleur et des larmes abondantes qui s’en échappaient. Je le confesse, loin d’être touché de cette scène, j’y pris un froid et secret intérêt. Après l’avoir contemplée pendant quelque temps, je sortis soudain de ma cachette. Une idée diabolique venait de me frapper. Il ne me restait plus qu’à attendre pour la mettre à exécution. Ma figure devait être bien hideuse de méchan-