Page:Deguise - Hélika, mémoire d'un vieux maître d'école, 1872.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
HÉLIKA.

ses habitants, et apprendre parfaitement la topographie des lieux.

Nous nous rendîmes auprès de l’habitation d’Octave, pour guetter une occasion favorable et accomplir mon dessein. Elle était située sur une légère éminence, et dominait un agreste et beau paysage. Une rivière profonde d’une certaine largeur dont le cours était rapide, coulait à quelques arpents de sa porte. Cette rivière était traversée au moyen d’un bac. Nous étions aux beaux jours de juillet, c’est-à-dire que c’était le temps de la fenaison. Octave possédait de l’autre côté de la rivière, de vastes prairies.

Le soir du jour où nous arrivâmes, nous pûmes remarquer qu’il avait fait abattre une grande quantité de foin, qui devait être engrangé le lendemain. Or, il fallait pour cette opération un grand nombre de bras, et je compris que tous ceux de la ferme seraient mis en réquisition. Cette circonstance secondait parfaitement l’exécution de mes projets.

Pauvre Marguerite, si tu avais pu apercevoir le soir dont je parle, les yeux flamboyants où brillait une joie diabolique, les deux figures hideuses et sinistres qui du dehors épiaient les abords de ta maison, et jusqu’aux tendres caresses que tu donnais à ton enfant, tu serais morte d’épouvante.

Le lendemain de cette soirée nous nous tînmes Paulo et moi dans le voisinage, surveillant avec le plus grand soin ce qui se passait.

Ce fut avec un indicible plaisir que nous vîmes Octave, Marguerite et tous leurs employés traverser la rivière pour s’occuper aux travaux des champs. Angeline, c’est ainsi que la veille je l’avais entendu appeler par sa mère, avait été confiée aux soins d’une vieille servante.

La journée se passa sans incidents. Marguerite traversa deux ou trois fois pour venir embrasser l’enfant. Vers cinq heures du soir, j’ordonnai à Paulo d’aller couper la corde qui retenait le bac. L’embarcation emportée par un courant rapide disparut bientôt de nos yeux, et alla se briser dans des cascades qui étaient à quelques milles plus loin. Au même moment, je remarquai que la vieille servante était sortie et occupée pour un instant dans un jardin qui se trouvait à un demi arpent de la maison. Tout semblait concourir à assurer le succès de mes projets.

Je profitai de son absence pour entrer par une fenêtre qui était ouverte du côté opposé où elle se trouvait. L’enfant dans son berceau, dormait du sommeil doux et calme de l’enfance. On voyait avec quelle tendre sollicitude sa mère avait orné sa couche,